Le père Aymeric est prêtre du diocèse d’Angers. Hormis sa tâche dans l’équipe des prêtres-accompagnateurs au séminaire, il est aussi curé de la paroisse de Saint-Michel des Prieurés qui regroupe les relais de Saint-Christophe-du-Bois, La Séguinière et Saint-Léger-sous-Cholet. Il a choisi de vivre le temps de confinement auprès de ses paroissiens. Avec beaucoup de générosité, il a accepté de nous livrer son témoignage.
« Alors, ça va le chômage technique ? » J’ai arrêté de compter le nombre de fois que j’ai entendu cette réflexion depuis le début du confinement !
Au-delà de l’agacement qu’elle a pu faire naître chez moi, cette petite phrase m’invite finalement à m’interroger sur ce que devient mon ministère presbytéral en cette période inédite.
Chômage technique… Cela signifierait donc qu’à partir du moment où les prêtres ne peuvent plus célébrer la messe de manière publique, ils n’auraient plus rien à faire ? Ou encore que les restrictions pour le sacrement de réconciliation ou l’onction des malades rendraient inutile la raison d’être des prêtres ?
Comme bien souvent, c’est la réalité du terrain pastoral qui m’aide à prendre conscience du sens que ma mission de curé et de formateur au séminaire peut prendre en ces jours.
Pas de chômage technique quand il s’agit d’accompagner les couples qui avaient prévu de se marier en avril, mai, juin. Prendre le temps d’écouter leurs frustrations, les tensions que peuvent provoquer la perspective d’un report de date. Au-delà des questions d’organisations pratiques, les aider à continuer de réfléchir au sens spirituel du sacrement qu’ils préparent. Le prêtre est alors celui qui essaye d’ouvrir de nouvelles perspectives quand tout semble bouché.
Pas de chômage technique quand il s’agit d’être présent auprès des familles qui perdent un proche… Se faire le relais des membres des équipes funérailles pour leur éviter de sortir et prendre du temps avec les familles pour les aider à trouver les mots de la prière. Pour partager avec eux un peu de cette consolation plus difficile à exprimer quand il faut se tenir à distance les uns des autres. Le prêtre est alors celui qui tente de rendre compte de l’espérance de la résurrection.
Pas de chômage technique quand il s’agit de faire le lien entre les paroissiens, de garder contact avec les personnes qui souffrent déjà habituellement d’isolement. Organiser des chaînes de lettres, de téléphones, de dessins pour les résidents de la maison de retraite. Redire à Henriette que la paroisse compte bien sur elle pour tel service après le confinement. Le prêtre est alors celui qui cherche à exprimer que chacun a du prix aux yeux de Dieu, en particulier les plus vulnérables.
Pas de chômage technique quand il s’agit de stimuler les enfants du caté, ceux qui se préparent au baptême, à la 1ère communion, à la profession de foi. Avec la laïque en mission ecclésiale, lancer des défis, des enquêtes, partager des vidéos pour leur donner de comprendre qu’on peut continuer de découvrir des choses sur la foi en dehors des rencontres caté. Le prêtre est alors celui qui tâche de donner les moyens de faire grandir l’amitié avec le Christ.
Pas de chômage technique quand il s’agit de nourrir spirituellement les paroissiens. Diffuser des célébrations en direct, partager des homélies, des prières en pensant aussi à ceux qui n’ont pas accès à internet ou aux réseaux sociaux. Le prêtre est alors celui qui s’évertue de faire redécouvrir que chaque famille est une Église domestique appelée à une vie chrétienne propre.
Pas de chômage technique quand il s’agit d’assurer la continuité pédagogique pour les séminaristes. Contacter les enseignants, revoir les emplois du temps, essayer d’équilibrer les cours. Le prêtre est alors celui qui s’escrime pour aider les séminaristes à continuer de se former pour la gloire de Dieu et le salut du monde !
Pas de chômage technique quand il s’agit de rester fidèle à l’accompagnement spirituel des paroissiens, des séminaristes, de jeunes en chemin. Se rendre disponible, au téléphone, par mail ou par écrit selon ce qui permet à chacun de mieux partager ses questions, ses convictions, ses découvertes. Le prêtre est alors celui qui s’efforce de permettre à l’Esprit Saint de mieux faire résonner ses appels dans la vie de chacun.
Pas de chômage technique quand il s’agit de réaménager une vie fraternelle plus dense entre prêtres confinés. S’adapter à un nouveau rythme, aux humeurs et aux habitudes de chacun, prendre des nouvelles du confrère plus âgé confiné seul chez lui. Le prêtre est alors celui qui se risque à être interpellé, bousculé, remis en cause par ses frères, mais aussi celui qui se laisse surprendre, édifier, sanctifier par leurs talents.
Finalement, confiné ou pas, je peux dire que même si les formes de vie changent, mon ministère n’est pas si différent dans le fond !
En étant limité dans les activités, les déplacements, je redécouvre qu’il faut toujours résister à la tentation de vouloir « faire le prêtre » et bien plutôt chercher à « être prêtre ».
L’enjeu d’être un homme de communion entre Dieu et les hommes demeure toujours aussi beau et aussi exigent !
Et plutôt que « chômage technique », ou « chômage partiel », je préfère définitivement l’expression que l’Évangile propose à ceux qui veulent suivre le Christ, celle de « serviteur inutile » !
Père Aymeric de BOUARD