La formation humaine

1. LES ENJEUX DE LA FORMATION HUMAINE
161. Nous avons à plusieurs reprises, dans les chapitres précédents, abordé
quelques enjeux de la formation humaine157. Nous voudrions pointer dans ce chapitre quelques aspects qui nous paraissent déterminants. La formation humaine
est au service de la croissance intégrale de la personne. L’objectif est que les
séminaristes développent «une personnalité stable, caractérisée par une affectivité équilibrée, la maîtrise de soi et une sexualité bien intégrée»158, une maturité
intérieure solide159 qui les rendra «capables de porter le poids des responsabilités
pastorales»160.
Relire et intégrer son histoire personnelle
162. Il est important que le séminariste fonde sa réponse à l’appel du Christ en
intégrant l’ensemble de son histoire161. «Parmi les candidats, certains ont vécu
des expériences particulières – humaines, familiales, professionnelles, intellectuelles,
affectives – qui, de différentes manières, ont laissé des blessures pas encore guéries.
Celles-ci provoquent des perturbations dont le candidat ignore la portée réelle, qu’il attribue souvent de manière erronée à des causes extérieures à lui-même et que, par
conséquent, il ne peut affronter adéquatement»162.
163. On peut ici se souvenir que lorsque le Christ ressuscité appelle trois fois
l’apôtre Pierre après la résurrection pour lui confier le troupeau, il s’adresse à
lui en disant «Simon, fils de Jean», et non par le nouveau prénom qu’il lui avait
donné, «Pierre» (cf. Jn 21,15-17). «Le Ressuscité reprend tout de la vie de SimonPierre, depuis qu’il est le “fils de Jean”. Jésus renoue avec un Simon intégral et pas
seulement avec le Pierre du reniement»163. Dans cette perspective, la vie fraternelle
et communautaire, l’accompagnement spirituel et l’accompagnement psychologique, chacun selon son domaine propre, permettront au séminariste d’entrer
dans une véritable anamnèse de ce qui a été marquant dans sa vie, positivement
ou négativement. Ce travail lui permettra d’objectiver ses forces et ses faiblesses.
Il rendra grâce pour les points forts sur lesquels il pourra s’appuyer, il les offrira
au Seigneur en les mettant à la disposition de l’Église. Le séminariste prendra
aussi davantage conscience de ses fragilités, et cherchera loyalement à discerner,
avec l’aide de son directeur spirituel, si celles-ci peuvent constituer ou non un
obstacle important dans l’exercice du ministère presbytéral.
Grandir dans son humanité
164. L’humanité du Christ lui-même est le modèle pour les prêtres et les futurs
prêtres car ils sont appelés à partager ses sentiments et ses attitudes164. «Le
prêtre, appelé à être “image vivante” de Jésus Christ, Tête et Pasteur de l’Église, doit
chercher à refléter en lui-même, dans la mesure du possible, la perfection humaine,
qui resplendit dans le Fils de Dieu fait homme et qui transparaît avec une singulière
efficacité dans ses attitudes avec les autres. […] Pour que son ministère soit humainement plus crédible et plus acceptable, il faut que le prêtre modèle sa personnalité
humaine de façon à en faire un “pont” et non un obstacle pour les autres dans la
rencontre avec Jésus-Christ»165. Dans la mesure où «la grâce ne remplace pas la
nature mais la perfectionne» comme le disait saint Thomas d’Aquin166, les séminaristes sont appelés à modeler167 leur humanité en faisant croître les vertus
humaines et en luttant contre le péché par l’entraînement au combat spirituel.
Par ailleurs, le soin du corps, l’attention à l’hygiène de vie, l’activité physique et la
pratique d’un art (musique, théâtre, etc.) sont autant d’éléments qui contribuent à un développement harmonieux de la personne dans toutes ses dimensions, corps, cœur et esprit168. Être un homme de communion 165. «La relation avec les autres est d’une particulière importance. C’est un élément vraiment essentiel pour celui qui est appelé à être responsable d’une communauté et à être un “homme de communion”»169. Par ailleurs, l’accompagnement pastoral, que ce soit auprès des enfants et des jeunes, garçons ou filles, ou des adultes, hommes ou femmes, interagit avec l’histoire personnelle du prêtre qui les accompagne. Il s’agit donc d’apprendre à bien se connaître pour pouvoir accompagner et aider les autres. La communauté humaine est faite d’hommes et de femmes dans toutes leurs diversités. Les futurs prêtres apprendront à établir des relations ajustées avec eux, partageant une humanité commune dans une égale dignité, et conscients des différences anthropologiques, culturelles et affectives. Prendre les moyens pour la formation humaine 166. Cette dimension relationnelle, constitutive du ministère, suppose un apprentissage. Le «modelage» de sa personnalité, tel l’argile entre les mains du potier (cf. Jr 18,3-10), en vue de faire de son humanité «un pont»170 et non un obstacle dans la rencontre avec le Christ, suppose la docibilitas que le séminariste est appelé à demander fidèlement et quotidiennement au Saint-Esprit. Dans la mesure où elles sont bien intégrées les unes aux autres, les quatre dimensions de la formation – humaine, spirituelle, intellectuelle et pastorale – contribuent à ce délicat et patient travail sur soi.